Didier Huc - Stratégie
De la complexité à la clarté décisionnelle
Réflexion stratégique 2 octobre 2025 Temps de lecture : 7 minutes

Facturation électronique obligatoire : pourquoi septembre 2026 c'est demain

Hier matin, coup de fil d'un client. Dirigeant d'une PME de 25 personnes, secteur distribution. Il vient de se rendre compte que la facturation électronique obligatoire, ce n'est pas pour dans trois ans. C'est pour septembre 2026 pour la réception, septembre 2027 pour l'émission. Il me dit : "Didier, un an ça va suffire ?" Ma réponse : Oui ! A condition de commencer lundi.

Parce que le sujet n'est pas technique. Il est organisationnel. Il faut choisir une plateforme, mettre au clair le process avec le comptable, former les salariés directement concernés, tester pendant plusieurs mois, ajuster. Et ça, sur le papier, ça prend six mois. Dans la vraie vie d'une PME où les urgences s'accumulent ? Plutôt douze.

La loi de finances 2024 et le décret 2024-266 sont passés presque inaperçus. Pourtant, ils concernent 4 millions d'entreprises françaises. Toutes. Sans exception. Les grandes entreprises sont déjà en ordre de marche. Les PME, elles, découvrent le sujet. Souvent tard. Parfois trop tard.

Ce n'est pas une simple évolution technique : "Non sire c'est une révolution !" dans la relation entre l'entreprise, ses clients, ses fournisseurs et l'administration fiscale. Et comme toutes les révolutions, il vaut mieux l'anticiper que la subir.

Le cadre réglementaire en trois dates

Le calendrier est simple mais implacable. Premier septembre 2026 : toutes les entreprises doivent être capables de recevoir des factures électroniques. Pas le choix. Pas d'exception. Si votre fournisseur vous envoie une facture en format structuré via une plateforme agréée, vous devez pouvoir la traiter.

Premier septembre 2027 : obligation d'émission pour les PME et microentreprises. C'est-à-dire vous. Les grandes entreprises et ETI ont déjà franchi le pas en 2026. Là, c'est votre tour. Fini le PDF par mail. Fini le papier. Tout passe par des formats structurés type UBL ou Factur-X, transmis via une plateforme homologuée.

Ces plateformes, ce sont soit le portail public Chorus Pro, soit des opérateurs privés agréés. Cegid, Sage, Pennylane, Sellsy... Tous les éditeurs de logiciels comptables sont en train de s'adapter. Certains seront prêts à temps. D'autres, moins. Et c'est là que le choix devient stratégique.

La troisième date, c'est celle des sanctions. 15 euros par facture non conforme, avec un plafond annuel de 15 000 euros. Ce n'est pas une amende symbolique. Pour une PME qui émet 200 factures par mois, le risque est réel. Et l'administration fiscale aura les moyens de contrôler en temps réel grâce à l'e-reporting automatique.

Ce qui change vraiment dans votre quotidien

Première transformation : la fin du PDF simple. Vous ne pourrez plus éditer une facture depuis Excel, ou un logiciel de gestion commerciale standard non normalisé, l'enregistrer en PDF et l'envoyer par mail. La facture doit être structurée dès l'origine, avec des champs normalisés que les machines peuvent lire automatiquement.

Deuxième transformation : les mentions obligatoires s'alourdissent. Numéro SIREN, adresse de livraison détaillée, nature précise de l'opération... Des informations que vous aviez peut-être l'habitude de traiter de façon approximative. Là, plus moyen. Chaque champ doit être rempli correctement.

Troisième transformation : l'administration fiscale reçoit tout en temps réel. Via l'e-reporting, Bercy accède à l'intégralité de vos flux de facturation. Objectif affiché : pré-remplir la déclaration de TVA, lutter contre la fraude. Objectif réel : un contrôle permanent de votre activité. C'est une révolution silencieuse du rapport entre l'État et l'entreprise.

Le gouvernement annonce 4,5 milliards d'euros de gains annuels pour les PME. Automatisation, réduction des erreurs, gains de productivité. C'est possible. Mais à condition d'avoir les bons outils, les bonnes procédures et les équipes formées. Sinon, c'est l'inverse : un gouffre de complexité et de temps perdu.

Les vrais choix stratégiques à faire maintenant

Première décision : plateforme publique ou privée ? Chorus Pro, c'est gratuit mais limité. Les opérateurs privés offrent plus de fonctionnalités, une meilleure intégration avec vos outils existants, un support client. Mais ils coûtent entre 30 et 200 euros par mois selon la taille de l'entreprise.

Ce choix dépend de votre volume de facturation, de votre logiciel comptable actuel, de votre niveau d'autonomie technique. Une PME avec un comptable interne et un ERP robuste n'aura pas les mêmes besoins qu'une TPE avec un expert-comptable externe et un tableur Excel.

Deuxième décision : internaliser ou externaliser ? Certaines entreprises vont gérer la facturation électronique en interne, via leur logiciel comptable. D'autres vont déléguer à leur cabinet comptable. Là encore, pas de bonne réponse universelle. Juste des arbitrages à faire en fonction de votre organisation.

Troisième décision : quand démarrer la migration ? Septembre 2026, c'est la date limite pour être capable de RECEVOIR des factures électroniques de vos fournisseurs. Septembre 2027, c'est celle pour ÉMETTRE vos propres factures vers vos clients. Deux échéances, deux chantiers. Mais si vous attendez l'été 2026, vous serez dans la file d'attente avec des milliers d'autres PME qui veulent toutes former leurs équipes au même moment. Les prestataires seront saturés. Les délais s'allongeront.

L'archive électronique, c'est aussi un sujet. Dix ans de conservation obligatoire, dans un format sécurisé et conforme. Si vous n'avez pas déjà un système de GED (Gestion Électronique des Documents), il va falloir y réfléchir.

Le plan d'action pour ne pas se faire "cueillir"

Étape 1 : Un petit bilan s'impose. Combien de factures par mois ? Quel logiciel ? Qui gère quoi ? Où sont les zones de fragilité ? Cet audit, il faut le faire maintenant. Pas dans six mois.

Étape 2 : Ce qui va poser question. Votre logiciel comptable actuel sera-t-il compatible ? Votre expert-comptable a-t-il déjà prévu la migration ? Si la réponse est floue, c'est un signal d'alarme. Il faut mettre les prestataires en concurrence, comparer les offres, négocier.

Étape 3 : Un staff opérationnel : la clé de la réussite. La facturation électronique, ce n'est pas juste un sujet pour la comptabilité. C'est aussi le commercial qui établit les devis, l'assistante qui envoie les factures, le dirigeant qui valide. Tout le monde doit comprendre les nouvelles règles.

Étape 4 : On teste "Echelle 1". Idéalement dès début 2026. Avec quelques clients pilotes, quelques fournisseurs coopératifs. Identifier les bugs, ajuster les process, former au fur et à mesure. Un test grandeur nature avant la date butoir, c'est ce qui fait la différence entre une transition fluide et une pagaille chère... très chère.

Étape 5 : Et on se prépare à faire le grand saut. Vous ne pouvez pas migrer 100% de votre facturation du jour au lendemain. Il faut un plan de transition progressif, avec des étapes, des points de contrôle, des solutions de secours si ça coince.

Ma conclusion

La facturation électronique obligatoire, ça ressemble comme deux gouttes d'eau à une usine à gaz. Personne ne dira le contraire. Mais on ne résout jamais les problèmes complexes avec des solutions simplistes. Il va vraiment falloir s'y mettre, et bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un détail dans le fonctionnement des entreprises.

Ce qui est certain : la politique de l'autruche n'est plus à l'ordre du jour ! Septembre 2026, c'est dans moins d'un an. Si vous n'avez pas encore commencé à vous en occuper, vous êtes déjà en retard. Pas en catastrophe. Mais en retard quand même.

Mon conseil : bloquez une demi-journée dans les deux prochaines semaines. Faites le point avec votre comptable, listez les questions en suspens, identifiez les prestataires potentiels. Et commencez à avancer. Parce que dans un an, il sera trop tard pour bien faire. Vous le ferez quand même, mais dans l'urgence, avec les erreurs et les surcoûts qui vont avec.

Cette réflexion fait écho à vos défis de dirigeant ?

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