Didier Huc - Stratégie
De la complexité à la clarté décisionnelle
Réflexion stratégique 15 juillet 2025 Temps de lecture : 6 min

Tu es conserveur, pas conseiller en communication

Pour la petite histoire...

J'ai rencontré François pendant une pause au festival de jazz de Marciac. Conserveur dans le Gers, spécialiste des recettes à base de canard, il sirotait tranquillement sa bière en regardant passer les festivaliers. Nous avons sympathisé, longuement bavardé de tout et de rien, puis "on a parlé boutique". Il avait en travers de la gorge les catastrophes successives que son génial plan de communication 2023/2024 avait suscitées. L'alternant community manager qui devait "révolutionner sa visibilité" avait surtout révolutionné sa capacité à perdre de l'argent. "Plus jamais ça", m'a-t-il lâché avec un sourire amer. Puis, me regardant droit dans les yeux : "Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? T'es consultant, donc censé avoir un avis sur tout !"

"Je pense que tu peux proposer le meilleur produit, le meilleur service, au meilleur prix. Si tu es le seul à le savoir, ça ne sert strictement à rien."

Cette évidence devrait clouer le bec à tous ceux qui pensent encore que "le travail bien fait se suffit à lui-même". Pourtant, combien de dirigeants de TPE et PME continuent de croire qu'une excellence technique invisible vaut mieux qu'une médiocrité visible ?

La réalité est brutale : une entreprise sans croissance stagne, puis régresse. Et sans communication, pas de croissance. Point final.

"Nous, on n'a pas besoin de communiquer, on a le bouche-à-oreille." Combien de fois ai-je entendu cette phrase dans la bouche de dirigeants convaincus d'avoir trouvé la formule magique ? Le bouche-à-oreille, c'est formidable. Jusqu'au jour où il trouve ses limites.

Première limite : l'épuisement. Ton réseau de connaissances et de prescripteurs n'est pas infini. Tes clients satisfaits ne parlent pas de toi à longueur de journée.

Deuxième limite : le cantonnement. Le bouche-à-oreille te maintient dans ta zone de confort. Même clientèle, même secteur, même niveau de facturation. Parfait pour végéter, catastrophique pour grandir.

Voici le plus fascinant : tous les dirigeants d'entreprise, ou presque, ont conscience de la nécessité de communiquer. Demande-leur, ils te le confirmeront sans hésiter. Le problème ? Très peu ont des idées précises et réalistes sur la manière de le faire.

Entre savoir qu'il faut communiquer et savoir comment communiquer, il y a un gouffre. Et c'est dans ce gouffre que tombent la plupart des initiatives de communication d'entreprise.

Ah, l'alternant community manager ! Cette solution miracle qui transforme ton entreprise centenaire en licorne digitale pour 800€ par mois. Parce que bien sûr, confier ta réputation à quelqu'un qui découvre ton métier en même temps qu'Instagram, c'est du pur génie stratégique.

"Il est jeune, il connaît les réseaux sociaux." Magnifique raisonnement. C'est comme dire qu'un enfant de 10 ans ferait un excellent pilote de ligne parce qu'il maîtrise sa console de jeux.

L'alternant community manager n'est pas le problème. Le problème, c'est de croire qu'il va résoudre ton problème de communication à ta place, sans stratégie, sans encadrement, et même parfois comble de l'ironie sans formation spécifique !

Pour communiquer efficacement, il faut d'abord accepter quelques vérités dérangeantes. Connaître tes produits. Pas seulement leurs caractéristiques techniques, mais leur valeur réelle pour le client. Quel problème résous-tu ? Quelle différence fais-tu ?

Connaître ton marché. Qui sont tes vrais clients ? Où se trouvent-ils ? Comment s'informent-ils ? Quels sont leurs codes, leur langage ?

Connaître tes concurrents. Et surtout, avoir analysé leurs stratégies de communication. Qu'est-ce qui marche ? Qu'est-ce qui ne marche pas ? Comment te différencier ?

Et enfin, accepter un point primordial : si tu es patron d'une petite conserverie locale qui fabrique des conserves de canard, tu es conserveur. Pas conseiller en communication.

Donc, pour communiquer efficacement, tu dois d'abord définir un budget de communication, si modeste soit-il. Pas de budget, pas d'action. Stop aux "on verra plus tard" et aux "on n'a pas les moyens". Un budget de communication se définit en % du chiffre d'affaires. Ce n'est pas un "achat d'impulsion". C'est une décision réfléchie dont l'impact doit être mesurable.

Ensuite, tu dois cesser de faire confiance à ton community manager sous prétexte qu'il est "jeune", mais lui confier des tâches liées à un plan et une stratégie de communication précis, établis en collaboration avec un professionnel.

Enfin, tu pourrais essayer de reconsidérer ton point de vue sur les agences de communication que tu perçois comme des "enfumeurs" dont l'unique préoccupation est de te piquer ton argent pour tartiner des pages de papier glacé ou des pages internet avec des messages farfelus qui ne servent à rien.

Si tu penses ça de ton communicant, c'est de ta faute. C'est parce que tu l'as mal choisi.

Un bon communicant commence par t'écouter, comprendre ton métier, analyser ton marché, identifier tes vraies différences. Il ne te vend pas de la poudre aux yeux, il te construit une stratégie. Et surtout, il te dit non quand tes idées sont mauvaises.

Mais avant de chercher ce bon communicant, assure-toi d'avoir fait tes devoirs. Pose-toi trois questions simples : qui sont mes vrais clients ? Où se trouvent-ils ? Qu'est-ce qui me différencie vraiment de mes concurrents ?

Si tu n'as pas de réponse claire à ces trois questions, tu n'es pas prêt à communiquer. Tu es juste prêt à gaspiller ton investissement.

Communiquer, ce n'est pas un art mystérieux réservé aux initiés. C'est un métier. Avec ses codes, ses techniques, ses outils. Tout comme le tien.

Alors François, la question n'est pas de savoir si tu dois communiquer. La question est de savoir si tu vas enfin le faire intelligemment.

Cette réflexion fait écho à vos défis de dirigeant ?

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