Didier HUC, les yeux dans les yeux
10 questions, dix réponses (parfois surprenantes)
1. On voit de plus en plus de consultants et de coachs. Tu fais quoi de différent ?
Je ne promets rien. Enfin si, une chose : que je vais t'écouter. Vraiment t'écouter.
Je ne viens pas avec des solutions toutes faites. Mon job, c'est de créer une "Zone Franche" où on va pouvoir se parler.
2. C'est quoi ton truc avec les dirigeants ?
Je vais citer Alexandre Astier : "Je refuse catégoriquement de bosser pour des gens avec qui je n'ai pas d'abord envie de déjeuner."
Mon truc, c'est la connexion. Il faut que le "courant passe". S'il ne passe pas, en général je n'insiste pas.
3. L'incertitude, c'est la plus grande peur d'un dirigeant ?
Mon job n'est pas de faire disparaître l'incertitude, c'est d'essayer de t'apprendre à "naviguer à l'estime", en n'accordant aux "instruments" qu'une confiance relative. En mer on dit "Faire confiance à son sens marin".
L'idée est simple : tu as été capable d'arriver jusqu'ici. Tu vas être capable de rentrer au port. Même si les conditions se dégradent.
4. Comment ton parcours a façonné ton approche ?
À 45 ans j'ai eu envie de créer ma boîte, puis une deuxième. Pour être sincère, je n'ai jamais vraiment trouvé ma place de chef d'entreprise. Être patron, c'est être marathonien. Moi, mon truc, c'est le demi-fond ! J'aime passer d'un sujet à l'autre.
Durant ces années-là, si je n'avais pas trouvé refuge dans un petit cercle d'amis (tous patrons de PME), je me serais effondré plusieurs fois. On échangeait, chacun sur son lot d'emmerdements. Parfois une solution que personne n'avait vue venir surgissait en même temps qu'une nouvelle tournée de cafés.
Ma "vocation" vient sans doute de là : je crois dur comme fer que personne ne devrait vivre une vie de chef d'entreprise dans l'isolement décisionnel.
5. Le "silence stratégique", concept à la mode ?
Tout le monde connaît ce mot de Guitry : "Le silence après Mozart, c'est toujours du Mozart !"
Savoir se taire c'est bien. Savoir écouter n'est pas mal non plus. Une des clés de la gouvernance : savoir parler, se taire, puis écouter.
6. Derrière chaque problème d'entreprise se cache un humain ?
Jamais de la vie ! Ça serait une simplification ridicule.
L'entreprise est un écosystème complexe : marché, offre, hommes, femmes, convictions, décisions… Une infinité de rouages qui peuvent se gripper.
La vérité : il faut dérouler le fil d'Ariane pour arriver au nœud du problème. Et ce sont toujours les hommes et femmes de pouvoir qui tiennent l'extrémité de ce fil.
7. Comment transformer la solitude du dirigeant en atout ?
On ne transforme pas un fardeau en atout. Personne n'a jamais transformé un kilo de plomb en un kilo d'or.
Il s'agit de trouver des solutions pour que ce fardeau soit plus facile à porter, ou parfois, de le poser.
8. La question la plus utile qu'un dirigeant puisse te poser ?
"Qu'est-ce que je ferais si j'étais moins con ?"
Bien sûr c'est un peu violent ! Mais ça résume bien souvent le cœur du problème. Évidemment la question n'est pas de savoir si on est con ou moins con, mais de savoir ce qu'on pourrait faire si on ne traînait pas comme un boulet tout le passé, voire le passif d'une situation bloquée ou en train de se bloquer.
9. Le plus grand danger pour un chef d'entreprise aujourd'hui ?
C'est l'abandon de sa propre lucidité.
10. La question qu'on ne te pose jamais ?
"Tu fais quoi quand tu ne bosses pas ?"
J'essaie de m'appliquer à moi-même les conseils que je donne aux autres.